L’audition de l’enfant en justice
Extrait de l’Article 338-1 : « Dans toute procédure concernant l’autorité parentale, la résidence de l’enfant ou le droit de visite et d’hébergement, les parents ont l’obligation d’informer leurs enfants de leur droit à être entendus sur les mesures qui les concernent ». Cette obligation se matérialise sous la forme d’une attestation signée par les parents et/ou par l’enfant. Lorsque celui-ci manifeste son désir de prendre parole il doit en informer par courrier le Juge aux affaires familiales. Son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée.
Important : L’audition de l’enfant peut être sollicitée sur demande des parties à la procédure qui concerne l’enfant ou encore à l’initiative du juge lui-même.
Il n’y a pas d’âge légal défini pour l’enfant. Le JAF appréciant alors sa capacité de discernement… Concrètement en France l’âge d’un enfant en audition peut avoir lieu dès l’âge de 7 ans et cette mesure judiciaire tend à prendre de l’ampleur.
Voir le site service-public.fr : Audition de l’enfant en justice
Quels sont les professionnels qui auditionnent l’enfant en justice ?
Le juge lui-même… ou bien une personne déléguée par le juge. Cette personne peut exerçer une activité dans le domaine psychologique, social ou juridique (avocat)… Actuellement il n’y a pas de de référentiel professionnel ni de formation spécifique pour pratiquer une audition d’enfant en justice.
Comment se déroule une audition d’enfant en justice ?
L’audition d’un enfant en justice dans le cadre de la séparation de ses parents n’est pas précisément définie par une méthodologie professionnelle. Notons que l’enfant, si il le désire, peut être assisté d’un avocat lors de son audition.
La rédaction de ce compte rendu est lui même source de questionnement : est-ce que ce sera la parole littérale de l’enfant, une synthèse de l’entretien ? Une rédaction faite en commun entre l’auditeur et l’enfant ? Est-ce que l’intervenant questionne l’enfant ? Si l’enfant disqualifie (un de) ses parents ses propos sont retranscris intégralement ? Les insultes y compris ? Si l’enfant relate des informations concernant la vie privée de personnes de sa famille ou de sa famille élargie ces informations sont-elles retranscrites ?
Actuellement il n’y a pas de travail sur la définition du cadre dans lequel ont lieu ces auditions d’enfants.
Que devient la parole de l’enfant ?
Une fois réalisé le compte rendu de l’audition est transmis aux avocats, aux parents et au juge lui-même. Il n’est pas protégé par la confidentialité et peut devenir ainsi un nouvel élément du conflit parental. Nombres d’auditeurs d’enfants n’informent pas l’enfant du contenu du compte rendu celui-ci étant fait ultérieurement à l’entretien.
Quelles sont les limites de ce dispositif ?
L’audition d’un enfant peut générer de nombreuses blessures et de très forts malentendus.
– A l’adolescence la parole de l’enfant peut être très vindicative et extrêmement « engagée » il demeure alors de ces propos une trace écrite qui peut « figer » durablement la relation d’un enfant et de son parent.
– Ce dispositif peut faire penser à l’enfant (ou à l’adolescent) que « sa parole va faire décision ». Or il n’en n’est rien le Juge aux affaires familiales étant censé prendre en compte cette parole mais aussi de rendre des décisions reconnaissant et préservant les liens familiaux. Ainsi il n’est pas rare que l’enfant lui-même ne retrouve pas « ses demandes » dans les décisions prises…
– Il est important de savoir que l’audition de l’enfant en justice est systématisée lors de désaccords parentaux dans le dispositif de « divorce sans juge ». Le compte rendu de cette « parole » est-il dès lors sensé apporter des informations positives alors que les parents eux-mêmes ne sont pas engagés dans une communication.
– Enfin il n’est pas sans risque que cette parole soit instrumentalisée lorsque le dialogue parental est absent ou conflictuel
« Regards » d’un médiateur familial sur l’audition de l’enfant
Mon expérience professionnelle m’a amené à constater que la parole de l’enfant a du sens et doit être entendue si l’enfant en manifeste le souhait. Pour autant cette parole ne doit pas être source de clivage, de mise en cause ou de culpabilité mais bien au contraire elle doit être une « ouverture » rendant propice un dialogue parental et/ou un dialogue parent/enfant. Est-ce le cas aujourd’hui ?
Les professionnels concernés doivent répondre plus précisément aux questions suivantes : par qui l’audition doit-elle être faite ? avec quelle méthodologie ? avec quelle formation ? avec quelle déontologie ? en prenant quelles précautions ? avec quelles évaluations des conséquences possibles ?
Un survol rapide de cette situation ne peut pas être suffisant… Il est dès à présent nécessaire d’évaluer le dispositif en place avant de le faire perdurer.
Les professionnel(les) de la médiation familiale ont, à mon sens, également le devoir de prendre part à ce questionnement en faisant valoir leur éthique et les spécificités de leur champ professionnel.
Nota : Mars 2019 – L’éditeur Dalloz fait paraître dans son magazine AJ Famille un dossier intitulé « Parole de l’enfant dans les MARD ». 8 thématiques y sont abordées notamment par Marc Juston et Danièle Ganancia (magistrats honoraires).
Plus de 20 pages décrivant un état des lieux « souvent préocupant »… et un vrai travail à faire afin que l’enfant et sa parole soit mieux protégés lors des auditions en justice .
Nota : Mars 2019 – Autre document émanant du GIP Droit et Justice. Note de synthèse de la recherche concernant l’audition et le discernement de l’enfant devant le Juge aux affaires familiales. 55 recommandations sont faites.
Voir le site
Ci-dessous la vidéo d’un récit fictif illustrant le contexte de nombreuses auditions d’enfants. Les mots-clés sont : séparations/divorces, loyauté, manque ou absence de dialogue parental, adolescence, contextes de post-séparations…